Armand Robin (1912-1961)

Lettre adressée par le poète Armand Robin à la Gestapo le 5 octobre 1943.

« Il m’est parvenu que de singuliers citoyens français m’ont dénoncé à vous comme n’étant pas du tout au nombre de vos approbateurs.
Je ne puis, messieurs, que confirmer ces propos et ces tristes écrits.
Il est très exact que je vous désapprouve d’une désapprobation pour laquelle il n’est point de nom dans aucune des langues que je connaisse (ni même sans doute dans la langue hébraïque que vous me donnez envie d’étudier).
Vous êtes des tueurs, messieurs ; et j’ajouterai même (c’est un point de vue auquel je tiens beaucoup) que vous êtes des tueurs ridicules. […] Vous avez assassiné, messieurs, mon frère le travailleur allemand ; je ne refuse pas, ainsi que vous le voyez, d’être assassiné à côté de lui. »

Extrait de Paroles de Liberté de Michel Piquemal ; images d'Hervé Thullet, éditions Albin Michel, Coll. Paroles de, 2006, 10 €.

Né en 1912, dans une famille nombreuse et déshéritée de la Bretagne la plus pauvre, Armand Robin est mort à l'infirmerie spéciale du dépôt de la préfecture de police de Paris, le 29 mars 1961, dans des circonstances encore mal élucidées. Homme de radio infatigable, oiseau nocture et diurne, ce poète, qui avait le don des langues (au moins dix-huit), traduisit l'oeuvre de nombreux poètes (Ady, Maïakovski, Pasternak, Essénine, Omar Khayam...). Beaucoup de ses poèmes ont été publiés de manière posthume, du moins ceux que ses amis, Georges Lambrichs et Claude Roland-Manuel, ont pu sauver de l'appartement du poète, avant le passage des éboueurs.