Cyril Mokaiesh, enragé lumineux
Vendredi soir, au centre culturel de Seclin (Nord), hélas, clairsemé, j'ai assisté au concert de Cyril Mokaiesh, nominé parmi dix artistes révélations, pour le prix Constantin 2011. La neige était tombée abondamment. Des bouchons partout. L'autoroute saturée - pendant cinq heures jusqu'en seconde partie de soirée - faillirent avoir raison de notre impatience.
Mais, une fois plantés face à la scène, au décor dépouillé, bleuté, réhaussé d'un drapeau rouge, après la tempête de neige, ce fut un déluge de feu... Cyril Mokaiesh habite la scène comme personne.
La cavalcade rugissante des instruments nous emporta, dès les premières notes, sous sa violence, martelant les paroles revendicatrices de ce chanteur écorché.
Cyril Mokaiesh a deux qualités : ses textes sont extrêment bien écrits, d'abord, et il déploie ensuite une belle puissance vocale. Il m'évoque Léo Ferré par sa fougue et son écriture poétique et Bertrand Cantat par sa voix éraillée. À cela, s'ajoutent les musiques tonitruantes, pêchues, énergisantes de son groupe de musiciens rock, qui donnent encore plus de force et de relief à ses compositions.
Au milieu du concert, le « pas trentenaire » s'excuse de n'avoir qu'une dizaine de chansons à son répertoire personnel. Et, pourtant, son drapeau de revendications n'est pas en toc, Cyril Mokaiesh a la rage élégante. Il a mis sa peau sur la table. Il chante avec toutes ses tripes, au dehors. N'économise pas sa lumière. Capte l'air du temps. Sa guitare et ses mots sonnent le tocsin de la révolte et d'un monde exsangue. Il faut saigner. « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ». Rouge passion. Rouge révolte. Uppercut en plein coeur.
« Sous tes airs de rien, j'ai plongé... »
Cyril Mokaiesh a tout d'un grand. Je parie sur lui pour l'avenir de « la nouvelle scène française ». Pourvu que l'industrie de la musique ne le broie pas en chemin. Je le vois, en effet, promis à une belle carrière. Il le mérite. Pour l'heure, son meilleur étendard, c'est son disque. Alors, ne traînez pas... pour l'acheter. Un auteur-compositeur-interprète de cette trempe-là. On en découvre un - comme ça - tous les 20 ans !
On ne sort pas indemnes d'un tel récital, où un jeune chanteur vous crie, à nu, sans artifice, que « les comètes maudites nettoient les âmes », et on en redemande même « des mots pour calmer la rage, des mots à foutre en collier (..), des mots en robe de mariée. »
Des mots qui creusent nos douleurs, qui brûlent ou qui explosent comme des grenades, des mots qui font du bien aussi, qui nous accompagnent, mais qui ont la démence de vivre surtout.
© François-Xavier Farine - 05/02/2012.
© Photo Vincent Flouret / Artwork : Element-s pour la 1ère de couv' du CD « Du rouge et des passions » de Cyril Mokaiesh, © 2011 AZ, un label Universal Music France, 18 €.
Plus d'infos : Facebook de Cyril Mokaiesh