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POEBZINE : poésie contemporaine et poètes d'aujourd'hui...
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2 janvier 2011

Poème(s) inédit(s) n° 2 (suite)

de Alfonso JIMENEZ :


LA CERISE

Ce fut un maudit volontaire
qui s'écroula les bras en croix
repoussé jusqu'aux terrains vagues
où il alla de bon coeur

Sa seule ambition fut d'écrire
des choses incompréhensibles
hors de mode tombées d'une charrette
d'une autre planète

Il fut fier de jubiler en silence
tel un demi fou penché sur sa plume
espérant un refus systématique
de sa prose et de ses vers

Il disparut sauvagement
sans mettre de l'eau dans son vin
ni du vin dans les fraises
qu'il préféra à la crème

Cet arrivisme à rebours du bon sens
reste une énigme pour les oies blanches
les brunes les jaunes les bleues et l'arc-en-ciel
où navigue sa barque

Le bonheur va dans la solitude
le malheur dans la multitude
les chaussettes sales, trop parfumées
plaisent ou déplaisent à tour de rôle

Prends ma pipe et mon caleçon
mais laisse aller le vent malade
laisse couler la rivière
laisse flotter les cadavres

Ils s'amusent encore d'avoir ri
et restent tranquilles
dans leur nid de pétales
douillet.


LA MANDARINE

Son seul idéal fut de
s'écrouler les bras en croix
vous l'aviez deviné

Il partit en Afrique
ou en Amérique latine
nul ne l'a plus revu
on ignore comment il est mort

S'écrouler les bras en croix
quand nul ne vous voit
ne sert à rien

Ce geste très noble
ce départ de grande qualité
est pour la galerie

Suprême délicatesse
aristocratie du coeur

Rassurer ceux qui attendent encore
en montrant sa maîtrise
le mouvement bien décomposé
comme à l'entraînement
dernière beauté
dédiée à l'humanité
et aux gentils canards les plus braves.


Né à Madrid en 1933, Alfonso Jimenez s'est exilé dès 1939, en France, avec ses parents. Après avoir longtemps vécu dans la région lyonnaise, il vit désormais à Genève et fait du vélo. En tant que poète, Alfonso Jimenez fut découvert par Guy Chambelland, son principal éditeur et ardent défenseur. Il a été proche d'un poète à la destinée, hélas, fulgurante : Roger-Arnould Rivière (1930-1959). Salué avec d'autres comparses comme Jean L'Anselme et Paul Vincensini dans La poésie contemporaine de langue française depuis 1945 de feu Serge Brindeau, Alfonso Jimenez a écrit - depuis 1957 - une dizaine de recueils, notamment chez Chambelland et La Bartavelle dont Véga (Prix Aloysius Bertrand 1969) et Plusieurs vies (Prix Pont de l'Epée 1978). Guy Chambelland appelait de ses voeux le lecteur à rencontrer cette poésie baroque, saugrenue, pour le moins insolite : " mélange de modernité et de classicisme ", proche de la fable comme de la complainte : " comique ficelé d'angoisse ". qui convoque dans ses pages un étonnant et ébouriffant bestiaire où animaux familiers et exotiques (chien, chat, limace, vache, dromadaire, etc.) chahutent avec les objets les plus quotidiens (chaussettes, pantoufles, lavabo, savonnette, chaise, casserole, etc.) : tout un programme anarcho-comique réjouissant !

© François-Xavier Farine


Alfonso Jimenez - derniers livres publiés :

On ignore l'heure du train : poèmes et nouvelles, Gros Textes, 2009, 10 €.
Rire parmi les hirondelles, l'idée bleue, coll. le farfadet bleu, 2006, 9 €.
Trois vagabonds sur la lune (pièce de théâtre), Gros Textes, 2005.
Ecrire ou pédaler ?, Le Nouvel Athanor, 2003, 14 €.

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