« La réalité rugueuse à étreindre »
Elle me parlait de
Dylan Thomas
et me récita même quelques vers
où le poème
s'asseyait sur les syllabes du vide
je lui disais que j'en avais
assez moi des poètes
lyriques
et des poètes qui
travaillaient à l'indicible
creusant la statue du Vide
de l'Absence de la Beauté en s'extasiant béatement
sur l'éphémère abstraction
nous avions continué
notre discussion
dans le couloir
(silence ouaté des bureaux)
pour déboucher
dans les toilettes
mixtes
Pourquoi des poètes écrivent encore
des poèmes
que l'on ne comprend pas ?
Pourquoi cette obstination ?
Quel intérêt ? Et dans quel but !
s'agaçait-elle
et je riais intérieurement de l'autre côté de la cloison
urinant dans les Water-Closet
en pensant à tous ces
« travailleurs de l'indicible »
et je rêvassais sur cet éternel débat
en me lavant les mains
jusqu'à ce qu'elle prononce cette phrase
sur la réalité rugueuse à étreindre
qui me renvoya d'un coup
sur le plancher des vaches
dans un formidable éclat de rire :
Mais dépêche-toi maintenant, F-X,
j'dois aller chez PICARD !