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POEBZINE : poésie contemporaine et poètes d'aujourd'hui...
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28 juin 2013

[Première lettre inédite de Jean L'Anselme à François-Xavier Farine]

Jean L'Anselme2
Au début des années 90, je découvrais les poèmes humoristiques de Jean L'Anselme. Fin 2001, suite au spectacle de François Marzynski, En tant que Roi des Cons, je pense finir Empereur, monté à partir des textes du poète, j'appris par la bouche du comédien que Jean L'Anselme aimait beaucoup qu'on lui écrive. Je décidai de franchir le pas.
S'ensuivit une correspondance riche - de plus de dix d'années - à raison d'une à deux lettres par mois.

En plus d'être un poète de premier plan, Jean L'Anselme était un épistolier attentif, remarquable, savoureux. Comme sa poésie, sa correspondance était truffée de bons mots et d'anecdotes bien senties.
Pendant toutes ces années, je n'eus de cesse de l'interroger, notamment, sur les grands poètes du XX
e siècle, au risque parfois, peut-être, de l'enquiquiner ?
Jean L'Anselme et ses lettres - dont il disait qu'elles « étaient les empreintes digitales de l'écrivain » - me manquent aujourd'hui terriblement.
En 2009, je confiai au téléphone à Jean L'Anselme que je n'avais, hélas, pas pensé à faire de copies des premières lettres que je lui avais envoyées. Ce qui me valut un « sérieux » savon !
Peut-être, un jour, compulserai-je toutes les lettres passionnantes de Jean ? Ne serait-ce que pour constituer une sorte de reader digest de ce grand Monsieur à destination des jeunes poètes ?
Ce sera ma petite contibution, ma façon (posthume) de le remercier, de la moins mauvaise manière qui soit...


                                                                                           Le 15 janvier 2002.

Cher François-Xavier Farine,

Ne donnez pas un su-sucre à un poète. Il fait le beau, il se regarde dans la glace, il se prend pour Johnny et se croit à Bercy. C'est ce qui m'arrive depuis que vous avez déversé dans ma boîte aux lettres une montagne d'éloges. J'ai voulu en faire des sous-verres mais le recto-verso m'en a dissuadé.
Outre les compliments qu'on reçoit à tout âge avec les extases d'un débutant, je vois évoquer dans votre correspondance quelques points qui me rapprochent singulièrement de vous :

LE SPORT : je n'avais la tête qu'à ça ; j'ai commencé par être prof de gym-instit. J'ai été international de hand dans les premières équipes d'après-guère où ce sport était très peu répandu. J'ai failli être pro en foot, la même guerre ayant dégarni les effectifs. J'ai quelques titres de champion de Paris et d'Île de France en athlétisme. Je fais encore 20 minutes de gym tous les matins et un peu de vélo.

LA PO
ÉSIE : Les noms que vous égrenez sont fraternels.

- Prévert : il est venu à mes débuts m'acheter un livre, un jour, dans une librairie, et j'étais plus fier qu'un petit banc.

- Claude Roy : Un grand bonhomme ayant le courage de se considérer comme un
« poète mineur » ! Quelle rareté ! Nous nous sommes chagrinés politiquement mais lorsque nous nous sommes retrouvés quelque temps avant qu'il ne disparaisse, ces nuages ne semblaient n'avoir jamais existé.

- André Laude : sublime et misérable bonhomme. Son courrier lui arrivait au bistrot du coin. Son mot d'approche était « t'as pas cent balles » ? J'ai essayé de l'aider à vivre mais il était si paresseux de vivre qu'il était incapable de m'écrire ce qu'il me promettait.

- Vincensini : Il n'y a pas que les anthologies qui nous rapprochent. Il m'a fait venir dans son Ardèche et, un mois avant sa mort, la ville de Douai nous avait réunis dans une soirée qu'il a bien eu du mal à supporter.

- Scutenaire : Je suis membre du Jury des Grands Prix de l'Humour et j'ai convaincu mes collègues de lui accorder un Prix exceptionnel pour l'ensemble de son oeuvre.

-
VOUS : quelle discrétion sur vous-même, alors qu'on m'écrit généralement pour parler de soi. Vous, pas un mot. Je subodore que vous êtes poète. Comment pourrait-il en être autrement ? L'humilité, la discrétion, vous avez là les qualités qui font les grands hommes. Ouvrez-moi un peu votre porte.

Avec beaucoup d'amitié.   Jean L'Anselme

(...)

Un très juste et court témoignage de Philippe Lemaire sur Jean L'Anselme sur le site de sa revue La Nouvelle Revue Moderne.
(La photo de Jean L'Anselme est extraite du même site de La NRM
- © Philippe Lemaire - photo prise à Lille, le 7 décembre 2002.) 

Un numéro hommage à Jean L'Anselme a été concoté par Jean-Pierre Lesieur :
Comme en poésie n° 50 : Les Amis de Jean L'Anselme : 76 p. - 4,80 € (frais de port inclus) : chez Jean-Pierre Lesieur 2149 Avenue du Tour du Lac 40150 Hossegor.

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